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Le virage américain, une opportunité stratégique pour le leadership québécois en transport décarboné

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Le virage américain, une opportunité stratégique pour le leadership québécois en transport décarboné

 

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Sommaire exécutif

À l'heure où l'administration Trump annonce son retrait de l'accord de Paris, le Québec se trouve paradoxalement face à une opportunité stratégique majeure dans le secteur du transport décarboné. Cet article analyse comment cette conjoncture, loin d'être un obstacle, peut devenir un tremplin pour consolider le leadership québécois en matière de transition énergétique des transports, tout en renforçant la compétitivité de notre industrie du camionnage.

Notre analyse s'adresse à trois audiences distinctes mais interdépendantes :

Pour les décideurs politiques, nous démontrons comment une approche multi-énergétique pragmatique, soutenue par des mécanismes incitatifs innovants, peut accélérer la transition tout en préservant notre compétitivité économique. L'article propose des solutions concrètes pour transformer les défis actuels en opportunités de développement économique.

Pour les gestionnaires de flottes et les transporteurs, nous présentons une feuille de route réaliste vers la décarbonation, reconnaissant les contraintes opérationnelles tout en mettant en lumière les avantages concurrentiels d'une transition précoce. L'analyse détaillée des différentes options technologiques - de l'électrique au GNR en passant par l'hydrogène - offre une vision claire des possibilités adaptées à chaque type d'opération.

Pour les donneurs d'ordres, tant publics que privés, nous exposons comment leur engagement actif dans la transition énergétique peut générer un avantage compétitif durable, tout en répondant aux exigences ESG croissantes. Des mécanismes concrets sont proposés pour encourager et récompenser le choix du transport vert.

L'article révèle comment le Québec, fort de son avance initiale dans l'électrification des transports (32,8% de part de marché des véhicules électriques) et de ses atouts énergétiques uniques, peut transformer le virage politique américain en opportunité de leadership continental. Notre analyse démontre que la clé du succès réside dans une approche équilibrée, combinant soutien gouvernemental intelligent, engagement des donneurs d'ordres et innovation technologique.

Au-delà d'une simple analyse de conjoncture, ce document propose une vision stratégique et des actions concrètes pour transformer notre avance technologique en avantage économique durable. Pour chaque partie prenante, des recommandations spécifiques et actionnables sont présentées, accompagnées d'exemples de réussite et de données probantes.

Alors que le contexte nord-américain évolue rapidement, la lecture complète de cette analyse devient essentielle pour comprendre les enjeux, saisir les opportunités et participer activement à cette transformation historique de notre industrie du transport. L'avenir du transport décarboné se dessine maintenant, et le Québec a tous les atouts pour en être le leader.

 

Table des Matières :

Contexte actuel :
  • Le virage politique américain et ses implications
  • La réalité du marché québécois (32,8% de VE en 2024)
  • Les ajustements annoncés par le ministre Charette
Une approche plus nuancée de la transition :
  • Les limites de l'approche uniforme : Comprendre la diversité des besoins de transport
    • Focus sur les classes de véhicules 5-7
    • Les réalités opérationnelles différenciées
  • La dépendance aux subventions : Un modèle économique à réinventer
    • L'impact de la suspension du programme Écocamionnage
    • Les défis économiques de la transition énergétique
  • Les infrastructures de recharge : Une stratégie à repenser
    • Positionnement stratégique des bornes
    • Priorisation du transport régional
  • La dimension industrielle : Au-delà de la technologie
    • Le cas de Lion Électrique
    • La réalité des constructeurs traditionnels
  • Vision multi-énergétique : Dépasser le tout-électrique
    • Le rôle complémentaire du GNR
    • Une approche hybride et adaptative
L'avantage européen comme opportunité :
  • Impact des réglementations ESG européennes
  • Influence des filiales québécoises des groupes européens
  • Alignement naturel du Québec avec les standards européens
Vision multi-énergétique :
  • Complémentarité GNR/électrique/hydrogène
  • Solutions adaptées aux différents cas d'usage
  • Infrastructure existante et développement futur
Conclusion

 

Contexte actuel

Le virage politique américain et ses implications

L'annonce du retrait des États-Unis de l'accord de Paris par l'administration Trump en janvier 2025 suscite de nombreuses questions sur l'avenir des initiatives de décarbonation en Amérique du Nord. Cependant, une analyse approfondie de la situation révèle des opportunités significatives pour le leadership québécois dans ce domaine.

Malgré ce changement d'orientation au niveau fédéral américain, treize états, incluant la Californie, maintiennent leur engagement envers des normes strictes en matière de véhicules zéro émission. Cette réalité témoigne de la résilience des initiatives environnementales au niveau étatique. La Californie, chef de file américain dans ce domaine, affiche un taux d'adoption des véhicules électriques de 26,4%, tandis que le Québec domine le marché nord-américain avec 32,8% des nouvelles immatriculations au dernier trimestre de 2024.

Dans ce contexte, le ministre de l'Environnement du Québec, Benoit Charette, adopte une approche pragmatique. Tout en réaffirmant l'engagement du Québec envers la transition énergétique, il évoque la nécessité d'ajuster certaines stratégies "pour ne pas pénaliser l'économie québécoise". Cette position reflète la volonté de maintenir un équilibre entre ambitions environnementales et réalités économiques.

Le ralentissement probable des initiatives fédérales américaines en matière d'innovation verte crée une fenêtre d'opportunité stratégique pour le Québec. La province dispose d'atouts considérables pour consolider sa position de leader : une expertise établie dans les transports électriques, un écosystème industriel innovant et une énergie propre abondante. Ces avantages, combinés à une approche plus réfléchie de la transition énergétique, pourraient permettre au Québec de renforcer son leadership technologique et industriel dans le secteur des transports décarbonés.

Cette période de transition aux États-Unis offre au Québec l'occasion de développer une approche plus diversifiée et mieux adaptée aux différents segments du transport. Plutôt que de voir le contexte actuel comme un frein, il représente une opportunité de consolider les bases d'une transition énergétique durable et économiquement viable.

La réalité du marché québécois : un leadership à consolider

Le Québec se distingue comme chef de file nord-américain dans l'adoption des véhicules électriques, avec un taux remarquable de 32,8% des nouvelles immatriculations au troisième trimestre 2024, dont 25,2% de véhicules entièrement électriques. Cette performance surpasse significativement celle de la Californie (26,4%) et de la Colombie-Britannique (22,7%), positionnant la province comme un leader incontesté dans la transition énergétique des transports.

Cette avance s'explique par une combinaison unique de facteurs structurels et stratégiques. D'une part, le Québec bénéficie d'une électricité propre et abondante, offrant un avantage compétitif naturel pour l'électrification. D'autre part, la province a démontré une adoption précoce des camions lourds zéro émission par des leaders de l'industrie. Des transporteurs majeurs comme Transport Simard, Groupe Robert, Nationex, GLS et Transport Bourassa ont déjà intégré avec succès des véhicules zéro émission dans leurs opérations quotidiennes, démontrant la viabilité pratique de cette technologie dans des conditions réelles d'exploitation.

Cependant, cette transition présente des défis spécifiques au contexte québécois. La suspension du programme Écocamionnage en septembre 2024 et l'annonce de la fin progressive des subventions Roulez vert créent une période d'incertitude pour les opérateurs de flottes. Les données de terrain montrent un impact immédiat : plusieurs transporteurs ont dû suspendre leurs projets d'électrification, révélant la sensibilité du modèle économique actuel aux programmes de soutien gouvernemental.

L'analyse des données de l'Institut du véhicule innovant (IVI) révèle que l'électrification est particulièrement viable pour les trajets inférieurs à 200 km. Ces opérations de courte distance représentent environ 25-30% des opérations de transport au Québec selon les études de Propulsion Québec. Cette réalité suggère la nécessité d'une approche segmentée, où l'électrification se concentrerait d'abord sur les véhicules de classes 3 à 6 opérant en milieu urbain et périurbain.

Le défi infrastructurel reste significatif. Selon les données de Statistique Canada et de l'AVÉQ, le Québec compte environ 10 000 points de recharge publics, dont 1400 bornes de recharge rapide, la plupart n'étant pas adaptées aux véhicules lourds. Les estimations de Dunsky et de l'ICCT indiquent un besoin de 8 239 points de recharge publics pour véhicules moyens et lourds d'ici 2030, soulignant l'ampleur des investissements nécessaires.

Cette réalité du marché québécois, caractérisée par un leadership dans l'adoption mais confrontée à des défis structurels importants, appelle à une révision stratégique de l'approche de décarbonation. L'enjeu n'est plus simplement d'être premier, mais de construire un modèle durable et réplicable qui prend en compte les contraintes opérationnelles et économiques des transporteurs.

Les ajustements annoncés par le ministre Charette : pragmatisme et adaptation

Face aux défis émergents du contexte nord-américain, le ministre Benoit Charette a annoncé une série d'ajustements stratégiques à l'approche québécoise de l'électrification des transports. Ces modifications, loin de représenter un recul, témoignent d'une volonté d'adaptation pragmatique aux réalités du marché et aux besoins de l'industrie.

"Nous ne voulons pas pénaliser l'économie québécoise," a déclaré le ministre Charette en janvier 2025. "Si jamais il devait y avoir des tarifs importants imposés aux entreprises, aux industries québécoises, on ne viendra pas en rajouter une couche avec des contraintes environnementales supplémentaires." Cette position reflète une compréhension fine des enjeux économiques tout en maintenant le cap sur les objectifs environnementaux.

Les principaux ajustements comprennent :
  1. Une révision du Plan pour une économie verte
  • Le ministère prévoit une réévaluation des objectifs en 2026
  • Une approche flexible permettant des ajustements selon l'évolution du marché et du contexte géopolitique
  • Un maintien des cibles à long terme tout en adaptant le rythme de transition
  1. Un renforcement des relations stratégiques
  • Développement accru des partenariats avec les états fédérés et les villes partageant les mêmes ambitions
  • L'intégration récente de l'État de Washington au marché du carbone québécois, démontrant la vitalité continue des initiatives environnementales régionales
  • Une coordination renforcée avec la Californie et la Colombie-Britannique sur les normes d'émission
  1. Une diversification des approches technologiques
  • Une reconnaissance accrue du rôle des solutions transitoires
  • Un soutien maintenu aux technologies complémentaires comme le gaz naturel renouvelable
  • Une adaptation des normes VZE aux spécificités des différentes classes de véhicules

Ces ajustements s'accompagnent d'une réflexion approfondie sur les mécanismes de soutien à l'industrie. Bien que le programme Écocamionnage soit temporairement suspendu, le gouvernement travaille sur de nouvelles approches pour soutenir la transition, reconnaissant l'importance d'assurer la compétitivité des entreprises québécoises dans un contexte nord-américain en évolution.

"On prend acte de la réalité qui change," souligne le ministre, tout en réaffirmant l'engagement du Québec envers ses objectifs climatiques. Cette approche équilibrée vise à maintenir le leadership québécois en matière de transport décarboné tout en assurant la viabilité économique du secteur.

Cette stratégie révisée démontre la capacité du Québec à adapter sa politique environnementale aux réalités du marché tout en maintenant son rôle de leader nord-américain dans la transition énergétique. L'approche nuancée adoptée par le ministre Charette pourrait bien servir de modèle pour d'autres juridictions confrontées à des défis similaires.

 

Une approche plus nuancée de la transition : Reconnaissance des erreurs dans la stratégie initiale

La stratégie initiale d'électrification du transport lourd au Québec, bien qu'ambitieuse, a révélé des limites cruciales qui méritent une analyse objective et constructive. Les données terrain et les retours d'expérience des transporteurs nous permettent aujourd'hui de cartographier une transition énergétique plus efficace et durable.

La Fragilité Économique : Un Défi Structurel

Un second point critique met en lumière la vulnérabilité structurelle de notre approche de transition énergétique : la dépendance excessive aux subventions pour assurer la viabilité économique des projets d'électrification.

La suspension soudaine du programme Écocamionnage en septembre 2024 a provoqué un arrêt brutal des commandes de véhicules électriques. Cet événement a brutalement exposé les fragilités de notre modèle de transition, soulignant la nécessité impérieuse de développer des stratégies économiques plus résilientes et durables.

L'Association du camionnage du Québec a mis le doigt sur un enjeu crucial : le surcoût d'un tracteur routier électrique peut atteindre 300 000$ par véhicule. Ce différentiel ne peut être compensé uniquement par les économies d'exploitation, créant une barrière économique significative pour les transporteurs.

Ce constat nous oblige à repenser notre approche. La transition énergétique ne peut reposer uniquement sur des mécanismes de subventions temporaires. Elle nécessite :

  • Des modèles économiques innovants
  • Des mécanismes de financement à long terme
  • Une vision intégrée des coûts totaux de possession
  • Des partenariats public-privé sophistiqués

Les transporteurs ont besoin de visibilité et de prévisibilité. Les changements brutaux de politique de soutien créent une incertitude paralysante qui freine l'innovation et l'investissement.

Cette réalité économique complexe renforce notre argumentaire précédent : la transition énergétique doit être pensée de manière holistique, en intégrant les réalités opérationnelles, technologiques et financières des différents acteurs de l'écosystème.

La complexité de notre transition énergétique dépasse les simples choix technologiques. Elle interpelle notre écosystème industriel dans sa globalité, remettant en question nos approches traditionnelles de développement et d'innovation.

L'Éléphant dans la Pièce : Repenser Notre Stratégie Industrielle

Si la diversification énergétique représente un premier niveau de sophistication dans notre approche, la stratégie industrielle en constitue un second, tout aussi critique. Notre parcours initial de décarbonation a mis en lumière une vérité fondamentale : l'innovation ne peut se construire en marge des écosystèmes existants, mais doit impérativement s'y intégrer.

Premier constat : l'approche uniforme appliquée à toutes les classes de véhicules s'est avérée inadaptée aux réalités opérationnelles. L'Institut du véhicule innovant (IVI) a démontré que l'électrification présente des performances prometteuses mais nuancées selon les contextes d'utilisation.

Un exemple particulièrement encourageant est le corridor décarboné Montréal-Québec développé avec Nationex, qui a mis en lumière le potentiel des véhicules électriques lorsque les stratégies de recharge sont optimisées par la télématique. Dans ce corridor, l'utilisation intelligente des données en temps réel a permis de surmonter certaines limitations initiales. La planification précise des trajets, la gestion thermique des batteries et l'orchestration des points de recharge ont démontré la faisabilité technique pour des trajets de moyenne distance.

Cependant, pour les longues distances et les chargements plus lourds, des défis significatifs persistent, notamment en termes d'autonomie et de performance hivernale. Cette réalité appelle à une stratégie différenciée selon les cas d'usage.

Le déploiement des infrastructures de recharge a révélé des enjeux stratégiques complexes. Les estimations de Dunsky et de l'ICCT indiquent un besoin de plus de 8 000 points de recharge adaptés aux véhicules lourds d'ici 2030. Le défi ne réside pas uniquement dans le nombre de bornes, mais dans leur positionnement stratégique.

Une analyse approfondie utilisant les données télématiques des fournisseurs majeurs au Québec aurait dû prioriser le transport régional, en se concentrant spécifiquement sur les véhicules de classes 5, 6 et 7. Ces segments représentent des opportunités optimales pour une électrification progressive et maîtrisée, avec des cycles d'utilisation plus prévisibles et des distances de parcours mieux définies.

La Dimension Industrielle : Au-Delà de la Technologie

Lion Électrique a trouvé un créneau prometteur dans le transport scolaire, un segment où le potentiel de marché nord-américain est fort considérable. Cependant, le transport de marchandises obéit à des dynamiques radicalement différentes.

Dans ce secteur, la domination des constructeurs traditionnels - Paccar, Freightliner, Volvo et International - repose sur des fondamentaux difficilement contournables : des décennies de relations clients, des réseaux de distribution robustes et des capacités financières considérables. Ces entreprises ne sont pas de simples vendeurs de véhicules, mais des partenaires stratégiques profondément intégrés dans l'écosystème logistique.

La gestion quotidienne des flottes met en lumière cette réalité complexe. Un simple remplacement de pièce peut potentiellement immobiliser un véhicule si le support logistique n'est pas optimal. Les transporteurs ont historiquement développé des relations étroites avec les constructeurs traditionnels, garantissant une gestion efficace de ces enjeux opérationnels critiques.

Recommandations Stratégiques

Une recommandation cruciale émerge : l'obligation pour les transporteurs de développer une Stratégie Environnementale quinquennale. Ces stratégies, alignées sur les standards ESG, doivent être :

  • Agiles et modifiables selon l'évolution économique et technologique
  • Permettant une collaboration transparente entre flottes, fournisseurs et institutions financières
  • Intégrées comme condition préalable à toute demande de subvention
Une Vision Multi-Énergétique

L'erreur stratégique la plus significative fut le focus exclusif sur l'électricité. L'avenir de la mobilité durable réside dans une approche hybride : électricité, hydrogène et gaz naturel renouvelable.

Les défis spécifiques du transport québécois - températures extrêmes, charges importantes, diversité des besoins - exigent une réflexion plus sophistiquée qu'une monoculture énergétique.

Conclusion Stratégique

Notre recalibration doit se concentrer sur le développement d'une expertise québécoise en électrification au sein des réseaux existants, plutôt que de créer des structures parallèles déconnectées.

C'est en capitalisant sur la force de ces réseaux établis que le Québec pourra véritablement accélérer sa transition vers un transport décarboné, tout en préservant la compétitivité de son secteur.

Cette approche ne signifie pas renoncer à l'innovation, mais l'intégrer de manière plus organique et collaborative. L'avenir de la décarbonation des transports réside dans la symbiose entre les acteurs traditionnels et les innovateurs, et non dans leur opposition.

 

Influence des filiales québécoises des groupes européens

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Les filiales québécoises de grands groupes européens comme Air Liquide, Keolis, GLS et Eurovia jouent un rôle catalyseur dans la transition énergétique locale. Ces entreprises, soumises aux exigences strictes de reporting ESG de leurs maisons mères européennes, incluant les émissions de scope 1, 2 et maintenant scope 3, créent un effet d'entraînement sur le marché québécois.

Concrètement, même si les obligations nord-américaines en matière de rapports ESG scope 3 ont été repoussées, ces filiales doivent déjà se conformer aux standards européens plus exigeants. Leurs émissions sont en effet consolidées dans les rapports de leurs sociétés mères, nécessitant une rigueur particulière dans l'extraction et l'analyse des données environnementales. Cette réalité pousse ces organisations à investir massivement dans des solutions de transport décarboné et à adopter des pratiques environnementales avancées, créant ainsi un effet d'émulation sur le marché québécois.

Alignement naturel du Québec avec les standards européens

Le Québec présente plusieurs similitudes avec l'Europe dans son approche de la transition énergétique. À l'instar de villes européennes comme Paris qui imposent des zones à faibles émissions et des restrictions sur les véhicules lourds polluants, le Québec développe des politiques progressistes en matière de transport. Cette convergence n'est pas accidentelle : elle reflète des valeurs communes et une vision partagée de l'urgence climatique.

L'approche multi-énergétique du Québec, combinant électrification, hydrogène vert et gaz naturel renouvelable, s'aligne naturellement avec la stratégie européenne de diversification énergétique. Cette similarité d'approche facilite les transferts technologiques et le partage d'expertise entre les deux marchés.

De plus, le positionnement historique du Québec comme "pont" entre l'Amérique du Nord et l'Europe lui confère un avantage unique. Alors que les standards ESG européens continuent d'évoluer et d'influencer les pratiques mondiales, le Québec se trouve dans une position privilégiée pour adapter et implémenter ces standards dans le contexte nord-américain, tout en maintenant sa compétitivité sur le marché continental.

Cette situation unique permet au Québec de bénéficier des meilleures pratiques européennes tout en les adaptant aux réalités nord-américaines, particulièrement dans le secteur du transport lourd où les distances et les conditions d'utilisation diffèrent significativement du contexte européen.

Souhaitez-vous que je développe d'autres aspects de ces relations Québec-Europe ou que nous passions à une autre section ?


Vision multi-énergétique : Vers une approche pragmatique de la décarbonation

Complémentarité GNR/électrique/hydrogène

La transition énergétique du secteur des transports lourds ne peut se résumer à une solution unique. Les données terrain et l'expérience des transporteurs démontrent qu'une approche multi-énergétique est non seulement souhaitable, mais nécessaire. Le gaz naturel renouvelable (GNR), déjà adopté par plusieurs transporteurs québécois depuis plus d'une décennie, offre une solution immédiatement disponible pour réduire les émissions de GES. L'arrivée récente du moteur Cummins 15L au gaz naturel ouvre de nouvelles possibilités pour le transport longue distance, tandis que l'électrification prouve son efficacité sur les courtes et moyennes distances.

Solutions adaptées aux différents cas d'usage

L'analyse des besoins opérationnels révèle une segmentation claire des solutions optimales :

Transport courte distance (moins de 200 km) : Les véhicules électriques démontrent déjà leur viabilité technique et économique, particulièrement pour les classes 5, 6 et 7. Cette catégorie représente environ 25-30% des opérations de transport au Québec.

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Transport régional et vocationnel : Le GNR offre une solution éprouvée, avec un réseau de distribution en expansion et des performances environnementales significativement améliorées par rapport au diesel.

Transport longue distance (classes 7-8) : Une combinaison de solutions est nécessaire, incluant le GNR à court terme et l'hydrogène vert comme technologie émergente pour le futur. Les limitations actuelles des batteries (autonomie de 200-300 km, performance réduite en hiver) rendent l'électrification moins adaptée pour ces usages.

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Les avancées technologiques en matière de batteries, particulièrement dans le domaine des batteries Lithium-Soufre (Li-S), viennent enrichir la palette des solutions disponibles. Cette technologie émergente pourrait transformer le transport lourd électrique, notamment pour les longues distances, en offrant une autonomie de 800 à 1 125 kilomètres sur une seule charge, une performance accrue par temps froid avec 90% de capacité maintenue, et un poids réduit de 40-50% par rapport aux batteries conventionnelles. 

Ces caractéristiques font des batteries Li-S un complément prometteur dans l'écosystème des solutions de transport décarboné, aux côtés du GNR et de l'hydrogène, renforçant ainsi l'approche multi-énergétique nécessaire pour répondre aux différents besoins opérationnels des transporteurs.

 

Optimisation des flottes existantes : un pilier essentiel de la décarbonation

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La transition énergétique du transport lourd est un marathon, pas un sprint. Alors que nous développons les solutions de demain, l'optimisation des véhicules diesel actuels reste un levier majeur de réduction des émissions. Les données de Ressources naturelles Canada démontrent que l'industrie du transport routier a déjà réalisé une amélioration de 10,4% de son intensité énergétique entre 2000 et 2021, avec une accélération notable de 16% pour les camions lourds entre 2012 et 2021.

Cette progression significative résulte d'une approche systématique combinant plusieurs stratégies complémentaires :

Technologies et normes d'émissions :

Les normes EPA successives ont transformé l'efficacité des moteurs diesel. Entre 1990 et 2021, les émissions de particules fines ont été réduites de 98%, tandis que les NOx ont diminué de 95%. Les nouveaux moteurs EPA 2027 promettent des réductions additionnelles de 50% des NOx par rapport aux normes actuelles, démontrant le potentiel d'amélioration continue des technologies conventionnelles.

Formation et technologies d'aide à la conduite :

Les solutions télématiques québécoises ont démontré leur efficacité dans l'optimisation des opérations. Les données et fonctionnalités provenant des fournisseurs DCE et Télématiques les plus utilisés au Québec, sont des outils importants que les transporteurs ont déjà en fonctions. Par exemple,  les technologies d’AttriX-Geotab révèlent que les flottes utilisant le Driver Challenge et l'assistant chauffeur réalisent des économies moyennes de carburant de 10-15%. De même, les systèmes de coaching en temps réel d'ISAAC Instruments permettent des réductions documentées de 8-12% de la consommation de carburant.

Solutions aérodynamiques et optimisation des véhicules :

L'adoption croissante des technologies aérodynamiques (jupes latérales, carénages de toit, extensions de cabine) combinée à des pneus à faible résistance au roulement peut réduire la consommation jusqu'à 12% selon les études de FPInnovations. Ces améliorations représentent souvent le meilleur retour sur investissement en matière de décarbonation.

La télématique joue un rôle central dans cette optimisation continue. Les plateformes comme AttriX-Geotab ne se contentent pas de mesurer la consommation - elles fournissent des insights actionnables pour :

  • L'identification des opportunités d'amélioration par chauffeur et par véhicule
  • L'optimisation des routes et des charges
  • La maintenance prédictive qui maintient les véhicules à leur efficacité optimale
  • Le suivi en temps réel des émissions de GES

Cette approche d'optimisation continue des flottes existantes offre le meilleur rapport coût-bénéfice en matière de réduction des GES à court terme. Elle permet aux transporteurs d'amorcer leur décarbonation immédiatement, tout en préparant leur transition vers les énergies alternatives. Cette stratégie "et/et" plutôt que "ou/ou" représente la voie la plus pragmatique vers nos objectifs climatiques.



Infrastructure existante et développement futur

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L'état actuel des infrastructures révèle des défis importants mais aussi des opportunités :
  • Réseau électrique : Les besoins en puissance pour la recharge des véhicules lourds sont considérables. Une station de recharge pour camions lourds peut nécessiter une puissance équivalente à celle d'une petite ville. Hydro-Québec prévoit des investissements de 185 milliards $ d'ici 2035 pour supporter cette transition.

  • Infrastructure GNR : Le Québec bénéficie déjà d'un réseau de distribution de gaz naturel établi, qui peut être utilisé pour le GNR. Cette infrastructure existante représente un atout stratégique pour une transition rapide vers des solutions plus propres.

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  • Développement futur : La Stratégie québécoise sur la recharge des véhicules électriques prévoit 35 millions $ sur 5 ans pour l'implantation de bornes de recharge rapide pour le transport lourd. Cependant, les experts estiment qu'il faudra déployer plus de 24 200 ports de recharge publics d'ici 2035 pour répondre aux besoins du secteur.

Cette approche multi-énergétique permet non seulement une transition plus réaliste vers la décarbonation du transport lourd, mais offre également une flexibilité essentielle pour les transporteurs. Elle reconnaît que différents segments du marché nécessitent des solutions distinctes, tout en permettant une évolution progressive vers des technologies toujours plus propres au fur et à mesure de leur maturation.

Le rôle crucial des donneurs d'ordres

La transition vers un transport décarboné ne peut reposer uniquement sur les transporteurs et les politiques gouvernementales. L'engagement actif des donneurs d'ordres, tant publics que privés, est essentiel pour créer un écosystème favorable à cette transformation.

Le gouvernement du Québec, en tant que plus important donneur d'ouvrage de la province, doit montrer l'exemple. L'intégration systématique de critères environnementaux dans les appels d'offres publics, même si elle implique des coûts initiaux plus élevés, envoie un signal fort au marché. Cette approche crée une demande stable pour les services de transport décarboné et encourage les investissements à long terme des transporteurs.

Pour le secteur privé, il est impératif de développer des mécanismes incitatifs innovants. Un système de crédit d'impôt pour les entreprises privilégiant le transport vert pourrait prendre plusieurs formes :

  • Un crédit d'impôt proportionnel au volume de marchandises transportées par des flottes décarbonées (électrique, GNR, hydrogène)
  • Des déductions fiscales bonifiées pour les contrats de transport longue durée conclus avec des transporteurs ayant amorcé leur transition énergétique
  • Des avantages fiscaux pour les entreprises qui investissent dans des infrastructures de recharge ou de ravitaillement en GNR sur leurs sites

Ces mesures auraient un triple effet bénéfique : stimuler la demande pour le transport vert, récompenser les entreprises socialement responsables, et créer un désavantage concurrentiel pour les opérateurs qui contournent les obligations réglementaires et fiscales, notamment via le modèle Driver Inc.

Les grands donneurs d'ordres du secteur privé, particulièrement ceux soumis aux exigences ESG européennes ou nord-américaines, pourraient également bénéficier d'un "label transport vert" reconnu par le gouvernement. Ce label, associé à des avantages fiscaux, encouragerait les entreprises à auditer et à verdir leur chaîne logistique. Il créerait ainsi un cercle vertueux où la demande pour le transport décarboné s'auto-alimente.

L'expérience européenne démontre que lorsque les donneurs d'ordres s'engagent collectivement dans la transition énergétique, les transporteurs suivent naturellement. Les entreprises comme Carrefour en France ou DB Schenker en Allemagne, qui ont mis en place des programmes de préférence pour le transport vert, ont constaté une accélération significative de la décarbonation de leur chaîne logistique.

Cette approche globale, combinant obligations gouvernementales et incitations pour le secteur privé, permettrait de créer un marché dynamique pour le transport décarboné, tout en préservant la compétitivité des transporteurs québécois face à la concurrence nord-américaine. Elle transformerait la transition énergétique d'une contrainte en opportunité commerciale, alignant ainsi les intérêts économiques et environnementaux de l'ensemble des acteurs de la chaîne logistique.

 

Conclusion : Une opportunité historique de leadership nord-américain

Le moment que traverse le Québec n'est pas une simple conjoncture, mais une opportunité historique de consolider son leadership dans la transition énergétique des transports. Le virage politique américain, plutôt qu'un frein, crée une fenêtre d'opportunité unique pour notre industrie du transport et notre écosystème d'innovation.

Notre force réside dans la maturité de notre approche. En adoptant une vision multi-énergétique pragmatique, en reconnaissant le rôle complémentaire des différentes technologies comme l'électrique, le GNR et l'hydrogène, le Québec démontre une compréhension sophistiquée des enjeux de la décarbonation. Cette approche équilibrée, combinée à nos atouts énergétiques uniques et notre expertise industrielle, nous positionne idéalement pour devenir le laboratoire nord-américain de la transition énergétique des transports.

Le succès de cette transition repose sur trois piliers fondamentaux. Premièrement, le maintien d'un soutien gouvernemental intelligent et adapté, qui reconnaît les réalités opérationnelles des transporteurs tout en encourageant l'innovation. Deuxièmement, l'engagement actif des donneurs d'ordres, tant publics que privés, à travers des mécanismes incitatifs qui récompensent le choix du transport vert. Troisièmement, la mobilisation continue de notre écosystème d'innovation, qui a déjà démontré sa capacité à développer des solutions adaptées aux besoins du marché.

Aux décideurs politiques, nous lançons un appel à l'action : transformez cette période d'incertitude en opportunité stratégique. Développez les incitatifs fiscaux qui encourageront les donneurs d'ordres à privilégier le transport vert. Maintenez les investissements dans l'infrastructure nécessaire à cette transition. Votre leadership est essentiel pour créer l'environnement propice à cette transformation.

Aux transporteurs québécois, le message est clair : la transition énergétique n'est plus une option, c'est une opportunité de différenciation stratégique. Les outils, les technologies et le soutien sont disponibles. Votre expérience opérationnelle est précieuse pour guider cette transition vers des solutions viables et durables.

Aux donneurs d'ordres, vous êtes la clé de voûte de cette transformation. En privilégiant le transport vert, vous ne faites pas que répondre aux exigences ESG croissantes - vous contribuez à créer un avantage compétitif durable pour l'économie québécoise tout entière.

Le Québec a tous les atouts en main pour transformer ce moment d'incertitude en décennie de leadership. Notre hydroélectricité abondante, notre expertise en transport électrique, notre infrastructure de gaz naturel, notre capacité d'innovation - tous ces éléments nous positionnent idéalement pour devenir le modèle nord-américain de la transition énergétique des transports.

L'histoire nous jugera non pas sur nos intentions, mais sur notre capacité à saisir cette opportunité unique. Le moment est venu de transformer notre avance initiale en leadership durable, de convertir nos ambitions environnementales en avantage économique concret. Le Québec n'est pas simplement prêt à relever ce défi - il est prêt à montrer la voie.

À propos de Anthony Mainville

ANTHONY MAINVILLE CONFÉRENCE PROPULSIONAnthony Mainville est un visionnaire de l'industrie du transport, président-fondateur d'AttriX Technologies. Spécialiste en télématique, il a transformé la gestion des flottes de camions en développant des solutions technologiques innovantes. Supportant plus de 2 400 opérateurs de toutes tailles au Québec, Mainville est partenaire stratégique de Geotab et fournisseur exclusif de solutions télématiques et DCÉ pour les plus importantes flottes du Québec incluant Groupe Robert, GLS, Air Liquide, Simard Transport, Hydro Québec, le Ministère des Transports et Mobilité Durable du Québec. Il a démontré sa capacité à combiner performance opérationnelle et objectifs environnementaux.

En tant que co-président de la Communauté d'Intérêt « Camionnage Zéro Émission » de Propulsion Québec, il fédère les efforts pour accélérer l'électrification des transports lourds. Son approche pragmatique et collaborative vise à surmonter les défis technologiques, infrastructurels et économiques de la transition énergétique.

 


 

Références et Sources: 

Documents gouvernementaux et réglementaires

- Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP). (2024). Analyse d'impact réglementaire du projet de loi modifiant diverses dispositions en matière d'environnement.

- MELCCFP. (2023). Plan de mise en œuvre 2023-2028 du Plan pour une économie verte 2030.

- Gouvernement du Québec. (2023). Stratégie québécoise sur la recharge des véhicules électriques 2023-2030.

 

Données statistiques et rapports techniques

- Statistique Canada. (2024). Immatriculations des véhicules automobiles neufs, données trimestrielles 2024.

- Institut de la statistique du Québec (ISQ). (2024). Panorama des régions du Québec – Édition 2024.

- Ressources naturelles Canada. (2024). Base de données nationale sur la consommation d'énergie du secteur des transports, 2000-2021.

  * Amélioration de l'intensité énergétique : 10,4% entre 2000 et 2021

  * Amélioration de l'efficacité des camions lourds : 16% entre 2012 et 2021

 

Études et analyses sectorielles

- Propulsion Québec. (2020). L'électrification des parcs de véhicules au Québec : l'adoption de véhicules moyens et lourds électriques dans les parcs commerciaux et institutionnels.

  * Données sur la proportion des opérations de courte distance (25-30%)

- Institut du véhicule innovant (IVI). (2024). Projet de démonstration de camions électriques au Québec - Rapport synthèse.

  * Viabilité des trajets inférieurs à 200 km

- Dunsky et International Council on Clean Transportation (ICCT). (2024). Prévisions des besoins de recharge des véhicules au Canada.

  * Projection de 8,239 points de recharge publics nécessaires d'ici 2030

  * Besoin de 24,200 ports de recharge d'ici 2035

 

Données d'associations professionnelles

- Association des Véhicules Électriques du Québec (AVEQ). (2024). Statistiques SAAQ-AVEQ sur l'électromobilité au Québec.

  * 10,000 points de recharge publics dont 1,400 bornes rapides

- Association du Camionnage du Québec (ACQ). (2024). Mémoire sur l'électrification des transports lourds.

  * Données sur les surcoûts des véhicules électriques (jusqu'à 300,000$ par tracteur)

 

Études sur les marchés internationaux

- California Air Resources Board (CARB). (2024). New ZEV Sales in California.

  * Taux d'adoption des véhicules électriques en Californie : 26,4%

- FPInnovations. (2024). Études sur l'efficacité des technologies aérodynamiques.

  * Réduction de consommation jusqu'à 12% avec les technologies aérodynamiques

**Données d'entreprises et de fournisseurs de solutions**

- AttriX-Geotab. (2024). Rapports d'analyse de performance des flottes.

  * Économies de carburant de 10-15% avec le Driver Challenge

- ISAAC Instruments. (2024). Études d'impact des systèmes de coaching en temps réel.

  * Réductions documentées de 8-12% de la consommation de carburant

 

Ces sources ont été utilisées pour établir les faits, chiffres et analyses présentés dans l'article. Les données ont été vérifiées et croisées entre plusieurs sources lorsque possible pour assurer leur exactitude et leur pertinence.

 

Nous tenons à souligner que certains chiffres récents (particulièrement ceux de 2025) sont basés sur des projections et des tendances observées, et doivent être considérés comme des estimations informées plutôt que des données définitives.

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