Introduction : Le moment de réflexion du Canada
L’industrie canadienne du camionnage se trouve à un carrefour crucial. Avec le mandat des dispositifs d'enregistrement électronique (DEL) de Transports Canada pleinement appliqué depuis le début de 2023, la conformité des flottes de camions sous réglementation fédérale, en particulier des grands transporteurs, a atteint des niveaux quasi universels. D’ici 2025, pratiquement toutes les grandes flottes canadiennes devant adopter les DCE l’auront fait, accélérant considérablement la transformation numérique à l’échelle de l’industrie.
Ce changement technologique obligatoire offre des gains cruciaux en matière de conformité, de sécurité et d’efficacité opérationnelle. Mais cela soulève également une question stratégique de plus en plus critique : Qui possède et contrôle véritablement les technologies – et les données sensibles de la flotte – qui sont désormais au cœur du secteur des transports au Canada ?
Alors que les dirigeants de flotte, les experts et les décideurs politiques se réunissent à la réunion du conseil d’administration de l’Alliance canadienne du camionnage, nous devons regarder au-delà des fonctionnalités, de la conformité et des coûts. Le moment est venu d'évaluer les enjeux stratégiques, économiques, géopolitiques et les implications de nos choix technologiques. Il ne s’agit pas de nationalisme, mais de résilience.
Les enjeux sont encore plus importants en 2025, avec le retour d’une deuxième administration Trump aux États-Unis. L’escalade des différends commerciaux et tarifaires, la montée des tensions transfrontalières et la reprise des discussions sur « l’annexion continentale » ont introduit une nouvelle couche d’incertitude volatile entre le Canada et les États-Unis. rapports. La technologie de flotte peut sembler être un petit champ de bataille, mais il est crucial : à qui appartient l’infrastructure de notre flotte est plus important que jamais.
Un fier héritage et un nouveau défi
Le Canada a toujours dépassé son poids en matière d’innovation technologique pour les flottes. Ce pays a donné naissance à certaines des entreprises de technologie des transports les plus innovantes et évolutives au monde, établissant des références en matière de conformité, d'intelligence des données et d'efficacité opérationnelle. Des entreprises comme Geotab, dont le siège social est en Ontario, sont devenues des leaders mondiaux, équipant plus de 4,7 millions de véhicules connectés sur tous les continents.
Les analystes estiment que le marché canadien de la télématique pour flottes était évalué à 430 millions de dollars américains en 2024, avec des projections dépassant les 500 millions de dollars d'ici 2026. Les enjeux sont élevés. Et même si notre histoire d’innovation nationale est solide, une nouvelle réalité prend forme :
De nombreuses entreprises de télématique autrefois canadiennes sont passées sous propriété ou sous contrôle étranger.
Cette vague d’investissements transfrontaliers apporte à la fois des opportunités et des risques. Les capitaux étrangers peuvent développer l’innovation, mais ils peuvent également modifier les priorités stratégiques, la gouvernance des données et l’allégeance à long terme.
Propriété étrangère : des noms que vous connaissez, des structures que vous pourriez ne pas connaître
Ce que de nombreuses flottes ne réalisent pas, c’est que plusieurs fournisseurs de services télématiques nés au Canada – dont certains sont encore considérés comme locaux – sont passés discrètement sous la propriété ou le contrôle des États-Unis au cours des dernières années. Des sociétés de portefeuille aux regroupements de capital-investissement, ces changements de gouvernance se produisent souvent en coulisses, mais ils sont importants. Parce que lorsque les décisions stratégiques de votre fournisseur sont prises à l’extérieur du Canada, l’avenir des données, des services et des priorités de votre flotte l’est également.
Examinons comment ce changement se manifeste dans l’ensemble du secteur :
Plusieurs fournisseurs autrefois fièrement implantés au Canada opèrent désormais sous des structures de gouvernance étrangères. Ces transitions ne sont peut-être pas toujours visibles pour l'utilisateur final, mais elles peuvent avoir des conséquences réelles sur l'orientation des produits, la réactivité du soutien et l'alignement à long terme avec les valeurs et les priorités canadiennes.
Des rachats de capital-investissement aux acquisitions d’entreprises, le contrôle de votre fournisseur peut avoir changé, même si son image de marque n’a pas changé. Cela soulève d’importantes questions sur le lieu où les décisions sont prises et sur les intérêts de qui elles servent en fin de compte.
Ce changement ne fait pas de ces entreprises de « mauvais acteurs ». Mais cela introduit une nouvelle variable essentielle : Où résident leur loyauté ultime et leur prise de décision ?
Pourquoi la propriété devrait être importante pour les flottes canadiennes
Le choix d’un partenaire télématique ne se résume pas à du matériel ou des logiciels. Il s’agit d’une question d’alignement avec vos opérations, vos besoins de conformité et vos valeurs.
Voici pourquoi :
1. Ajustement de la réglementation canadienne
Les fournisseurs locaux comprennent les nuances telles que les lois francophones du Québec, les variations régionales du HOS et les exigences d’audit interprovinciales. Les plateformes étrangères peuvent leur donner la priorité au profit des réglementations américaines ou européennes.
2. Soutien et présence locaux
Les fournisseurs canadiens investissent dans un service sur le terrain : un soutien bilingue, des équipes de R&D ici au pays et une expertise en matière de déploiement sur site. Cela signifie des temps de réponse plus rapides et moins de problèmes de perte de traduction.
3. Souveraineté des données
Les DCE traitent des données extrêmement sensibles : comportement du conducteur, historique de localisation, passages de frontières. S'ils sont stockés dans des centres de données basés aux États-Unis, ils peuvent être soumis à des lois telles que le Patriot Act ou le CLOUD Act, qui pourraient obliger leur divulgation.
Ce n’est pas parce qu’un fournisseur distribue des chaussettes avec une feuille d’érable qu’elles sont canadiennes. La création d'une marque est facile, mais la juridiction compte. Avant de confier à un fournisseur l'emplacement de vos chauffeurs, les journaux HOS ou l'historique opérationnel, demandez où se situent leurs dirigeants, où sont stockées vos données et quelles lois les protègent. Vous pourriez être surpris.
4. Continuité des activités et stabilité du marché
Les entreprises sous contrôle étranger peuvent pivoter, se consolider ou se désinvestir en fonction des cycles du marché mondial. Les partenaires dirigés par le Canada sont plus susceptibles de rester engagés envers les flottes canadiennes, même lorsque des vents contraires surviennent.
5. Impact économique national
Les dépenses auprès des fournisseurs canadiens alimentent les emplois, la R&D et le réinvestissement au Canada. Chaque dollar conservé ici renforce notre écosystème logistique et maintient l’innovation ancrée dans nos réalités.
Le facteur « Et si » : l'influence des États-Unis sur les données canadiennes
Dans le pire des cas, imaginez ceci :
- Les régulateurs américains font pression sur un fournisseur américain pour qu'il produise des journaux ELD canadiens.
- Les tensions politiques entraînent une limitation des services ou des limitations d’accès aux plateformes.
- La conformité transfrontalière se resserre soudainement, favorisant les transporteurs américains.
Ces risques ne sont plus spéculatifs. Avec la réémergence des politiques commerciales protectionnistes américaines et la pression croissante sur les secteurs canadiens, notamment l’agriculture, l’énergie verte et maintenant la logistique, la possibilité d’une perturbation de la chaîne d’approvisionnement numérique est réelle.
Il s’agit ici de gestion des risques. Les données canadiennes, sous contrôle canadien, constituent une police d’assurance pour la continuité de la flotte.
Collaboration, pas isolement
Il ne s’agit pas de rejeter les solutions étrangères. Beaucoup offrent une technologie exceptionnelle. Mais le Canada doit équilibrer innovation et souveraineté. Si nous optons par défaut pour la propriété étrangère, nous risquons de détruire notre propre écosystème technologique.
Soutenir les fournisseurs canadiens n’est pas seulement patriotique, c’est aussi pratique :
- Adaptation locale plus rapide aux réglementations régionales.
- Des réserves de talents nationales plus solides.
- Protection des données renforcée sous juridiction canadienne.
- Innovation soutenue ancré dans les réalités du marché local.
En encourageant l’approvisionnement local, les associations industrielles et les décideurs politiques peuvent contribuer à préserver notre avantage concurrentiel.
Conclusion : choisissez Smart. Choisissez Local.
Lors de cette réunion du conseil d’administration de l’Alliance canadienne du camionnage, nous avons un moment rare pour réfléchir. Les technologies de notre flotte ne se contentent pas d’alimenter les véhicules : elles définissent notre résilience.
Oui, évaluez les ELD sur les fonctionnalités, le service et les prix. Mais demandez aussi : À qui appartient-il ? Qui le gouverne ? Et à qui sert-il l’avenir ?
Patriotique ne veut pas dire fermé d’esprit. Cela signifie avoir les yeux clairs.
Faisons en sorte que le Canada soit un leader non seulement en tant que consommateur de technologie de flotte, mais aussi en tant que créateur.